07 Fév 2024

Accusations d’aliénation parentale : un statu quo intenable pour les victimes de violence conjugale

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), l’Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et Juripop tirent la sonnette d’alarme face au crédit accordé au pseudo-concept d’aliénation parentale, qui décourage les femmes à dénoncer la violence et contraint les enfants à maintenir des relations qui sont nocives pour leur sécurité et leur santé.

Cette situation fait reculer le Québec des années en arrière dans la lutte contre la violence conjugale, à contre-courant des objectifs du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et de la création d’un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Les efforts déployés pour rebâtir la confiance des victimes dans le système de justice et pour promouvoir le meilleur intérêt de l’enfant sont vains si les tribunaux des chambres de la jeunesse et de la famille ainsi que les directions de la protection de la jeunesse ne suivent pas. 

Le recours aux accusations d’aliénation parentale dans un contexte de violence conjugale post-séparation est loin d’être une stratégie nouvelle. De nombreux ex-conjoints désireux de détourner l’attention de leur violence exercée au sein de la famille n’hésitent pas à brandir ce concept et à l’instrumentaliser à leurs fins, avec succès. 

 

« Il faut entendre les voix des femmes qui, dans les dernières semaines, se sont multipliées dans l’espace public et dans les maisons d’aide et d’hébergement, avec une similarité troublante, pour saisir l’ampleur des injustices individuelles et du problème collectif auxquels nous faisons face » déclare Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques au RMFVVC. « Si j’avais su, je n’aurais pas dénoncé » ; « ma situation a empiré après avoir dénoncé » ; « mes enfants auraient été mieux protégés si je n’avais rien dit » : combien de femmes encore vont être obligées de rester dans une relation violente en sachant que le système va mettre en danger ses enfants? 

« Le crédit porté à ce pseudo-concept par les tribunaux et par le personnel de la DPJ a des conséquences désastreuses : négation de la parole et de la volonté de l’enfant, impossibilité pour les mères de protéger leurs enfants de la violence conjugale, y compris la violence post-séparation, et non-reconnaissance des violences subies et des craintes exprimées par les femmes » ajoute Suzanne Zaccour, directrice des affaires juridiques à l’ANFD 

Confrontés à ces situations dans leurs pratiques respectives, les trois organisations interpellent le ministre de la Justice, Monsieur Simon Jolin-Barrette, et le ministre responsable des Services sociaux, Monsieur Lionel Carmant, pour réclamer des actions rapides et concrètes. « Un changement doit s’opérer dans la manière dont on répond aux besoins des enfants victimes de violences. Analyser une situation de violences conjugales sous le prisme de l’alinéation parentale revient à occulter les violences subies et les nombreuses conséquences qui en découlent; et il faut y mettre fin » souligne Justine Fortin, avocate et directrice des services aux personnes victimes et survivantes chez Juripop. 

Plus précisément, les organismes demandent au gouvernement :
Conjoint violent, bon père pour ses enfants?

Le mythe selon lequel les enfants échapperaient à la violence si elle n’est pas dirigée directement contre eux est tenace. Malgré tous les efforts de leur mère pour les protéger, les enfants sont aussi des victimes de la violence conjugale, qu’ils soient ou non spécifiquement visés par la violence et les stratégies de contrôle.  

Le climat de peur qui règne à la maison a des conséquences sur le développement des enfants, qui sentent la détresse de leur mère et perçoivent le rapport de domination instauré par le père. Vivant ainsi dans l’insécurité, les enfants développent des stratégies de protection et d’adaptation, et présentent des séquelles durables : terreurs nocturnes, anxiété, perte d’estime de soi, tristesse, symptômes de stress post-traumatiques, difficultés d’apprentissage, etc. 

« Il faut se défaire de cet amalgame. L’exercice des violences est un choix parental qui n’est pas exclusif à la relation conjugale et qui dénote des capacités parentales lacunaires du parent violent. La question n’est pas de savoir si l’enfant est attaché à son parent violent ou si ce dernier l’aime, mais davantage quels sont les besoins de cet enfant victime et comment le système de justice peut le protéger des choix violents de son parent » conclut Justine Fortin. 

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