26 Nov 2023

Bouleverser les fondements du système de justice civile, une victoire à la fois

Violences conjugales et à caractère sexuel, l’angle mort du droit civil

Par Caroline Touzin, La Presse 

À l’occasion des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes et alors que des récits de violences conjugales et sexuelles continuent de défrayer les manchettes, Juripop, organisme qui milite pour l’amélioration de l’accès à la justice, dresse le bilan de deux années de travail d’innovation juridique auprès des personnes victimes et des survivant·e·s de violences. Il en profite également pour poser un regard vers l’avenir.

LES VICTOIRES

Le mouvement #MoiAussi a engendré une réflexion collective sur le système de justice criminelle et a donné lieu à d’importantes réformes en cette matière. Le système de justice civile, qui fait pourtant partie intégrante du parcours judiciaire des personnes victimes, est quant à lui resté dans l’angle mort de ce mouvement.

C’est pourquoi, en 2021, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a confié à Juripop le mandat de se pencher sur le parcours des personnes victimes et des survivant·e·s en matière civile. L’organisme s’est ainsi vu chargé de documenter les obstacles d’accès à la justice dans ce volet du droit et d’élaborer des pratiques innovantes qui assureraient le respect des droits des personnes victimes.

Ce mandat a permis à Juripop d’obtenir une dizaine de jugements phares ayant changé le droit civil, dont :

  • La première ordonnance de protection en matière civile dans un contexte de violences conjugales, interdisant à l’auteur de violences de s’approcher de lieux fréquentés par la personne victime, l’empêchant de communiquer avec cette dernière et l’enjoignant de remettre ses armes;
  • La première nomination, en droit civil, d’un avocat paravent pour procéder au contre-interrogatoire lors d’un divorce, protégeant ainsi la personne victime d’une revictimisation et de ses conséquences en pleine salle de Cour;
  • La déchéance d’attributs de l’autorité parentale que le parent violent instrumentalisait pour contrôler le parent victime, comme le droit de savoir où se trouvent les enfants ou de choisir leurs activités parascolaires;
  • La protection du caractère confidentiel de l’identité et de l’adresse de plusieurs survivant·e·s, leur permettant ainsi de faire valoir leurs droits sans crainte de représailles de leur entourage ou d’atteinte à leur sécurité.

Conformément au mandat qui lui a été confié par le ministre de la Justice, Juripop a relayé ces connaissances à l’ensemble de la communauté juridique par le biais de formations qui ont à ce jour rejoint plus de 1500 juristes, contribuant ainsi à améliorer la qualité de l’accompagnement juridique des personnes victimes et des survivantes à travers le Québec.

La directrice générale de Juripop, Sophie Gagnon, affirme que ces réalisations portent fruit tant à petite qu’à grande échelle. « Notre travail auprès des personnes victimes leur contribue non seulement à leur rétablissement et leur reprise de pouvoir, mais participe aussi à l’élaboration de nouvelles pratiques qui bénéficieront à toutes celles qui suivront. »

De son côté, le ministre de la Justice et procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette, indique que : « Les personnes victimes ont trop longtemps été les dernières considérées dans notre système de justice. Il était devenu impératif de changer nos façons de faire afin qu’elles soient désormais au cœur du processus. L’approche humaine des avocates de Juripop fait une réelle différence pour les personnes victimes qui entreprennent un parcours vers la guérison. C’est en collaborant tous ensemble que nous pourrons rebâtir la confiance des personnes victimes. »

POURSUIVRE LE COMBAT ET PLUS ENCORE

Si l’organisme a déjà réalisé nombre de gains significatifs, les besoins demeurent criants. « Les victoires demeurent l’exception. Les défaites, par exemple lorsqu’une personne victime se voit interdire de témoigner aux côtés de son intervenante ou que les violences vécues ne sont pas reconnues par le tribunal, montrent l’ampleur du travail qui reste à faire. », explique Sophie Gagnon, directrice générale de Juripop.

Parmi les chantiers qui demeurent, Juripop cite les mesures d’aide au témoignage, la persistance des mythes et des stéréotypes et la minimisation des conséquences psychologiques des violences conjugales et sexuelles.

Les enfants dans tout cela?

Juripop soutient que les enfants vivent d’importantes conséquences des écueils du système de justice civile. L’organisme désire renforcer la représentation des enfants puisqu’ils sont impliqués de près dans la grande majorité des procédures et des décisions en matière familiale.

« Les enfants sont trop souvent absents des débats qui les concernent. Encore aujourd’hui, il n’existe aucune entité qui régit leur représentation devant les tribunaux de la famille et de la jeunesse. Les enfants sont eux aussi des victimes. On se doit de défendre leurs droits adéquatement. », partage Justine Fortin, directrice des services aux personnes victimes et survivantes de Juripop.

 

Consulter l’article sur le site de La Presse.

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